PIERRE ROBICHON DE LA GUÉRINIÈRE ET SON

ÉCOLE DE CAVALERIE





© Alain Fabre, 2002-

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Afin de mieux situer l'oeuvre écrite de La Guérinière parmi la littérature équestre avant et après lui (XVIe - XVIIIe siècles), on pourra se reporter au tableau chronologique.

On peut distinguer grosso modo trois époques correspondant, du vivant de La Guérinière, à l'histoire de son École de cavalerie:

GESTATION ET RÉDACTION DE L'OEUVRE (1715 (?)-1731). En ce qui concerne cette phase de gestation et de rédaction, nous ne connaissons que peu de données concrètes. La première édition de ce livre, datant de 1729-30 (pour le premier tome) et 1731 (pour le second) [1*], doit cependant avoir été précédée d'une assez longue période de gestation de l'ouvrage, qu'il est possible de situer à l'intérieur d'une fourchette s'étendant approximativement entre 1715 (date de la réception des lettres de provisions autorisant l'exercice de sa profession d'écuyer) et 1729, soit une quinzaine d'années, précédées de la formation des deux frères La Guérinière à l'Académie de la rue des Canettes. L'acquisition et l'aménagement des locaux du nouveau manège de La Guérinière (vers le numéro 13 actuel de la rue de Vaugirard), à partir de 1715, ne durent laisser à notre écuyer que peu de loisirs, car l'enseignement ne put y commencer qu'en 1717. Au cours des deux années suivantes, la réputation du manège alla grandissant, mais la faillite de la banque Law (1720) et les difficultés financières du manège durèrent au moins jusqu'à la parution du premier volume de la première édition de l'École de cavalerie, en 1729. Il n'est pas exclu que La Guérinière, dont la réputation d'écuyer n'était pas atteinte, ait envisagé cette publication afin de remédier à ces problèmes d'argent, mais cela est pour le moins douteux étant donné le très faible tirage la première édition, destinée presque uniquement à ses propres élèves. La Guérinière s'attaqua cependant à la rédaction d'un nouveau chapitre ("Des Tournois, des Joûtes, des Carousels, & des Courses de Têtes & de Bague") destiné à une seconde édition, qui sortit des presses en 1731 [2*], la même année que paraissait le second volume de la première édition. La nouvelle édition contenait en outre une planche dépliante de Bailly, mais le nombre d'exemplaires fut aussi restreint que pour la première.

VERS LA PREMIÈRE ÉDITION IN-FOLIO (1731-1733). Le succès remporté par La Guérinière auprès de ses élèves tant pour son enseignement que par les deux premières éditions de l'École de cavalerie le poussa sans doute à former un projet plus ambitieux, qui devait culminer dans l'édition in-folio en un volume de 1733 [3*]. Pour ce faire, La Guérinière contacta Charles Parrocel (1688-1752), déjà fort célèbre par ses peintures équestres, afin de lui commander plusieurs planches destinées à orner l'in-folio. Plusieurs dessins préparatoires, tant pour l'édition de 1733 que pour 1736, ont été conservés et Xavier Salmon, conservateur des peintures du XVIIIe siècle et du cabinet d'arts graphiques du Musée National du Château de Versailles, en a publié une intéressante étude [4*]. Plusieurs graveurs réputés s'attachèrent à leur tour à la reproduction des dessins de Parrocel. L'autre maillon important de la chaîne fut l'imprimeur Jacques Collombat [5*], né en 1668. Celui-ci avait obtenu son brevet d'imprimeur des bâtiments, jardins, arts et manufactures du Roi en 1709 et était maître imprimeur depuis 1710. En 1718, lorsque le petit Louis XV n'avait encore que 8 ans, Collombat fut chargé d'installer une petite imprimerie aux Tuileries dans le but d'initier le jeune roi à la typographie [6*]. En 1725, on fit encore imprimer par Collombat une brochure résumant les prouesses cynégétiques de Louis XV adolescent. Plus tard, Collombat fit partie du Cabinet des livres du roi, dépendant du Cabinet du Roi (Antoine 1989). L'École de cavalerie sort des presses la même année où La Guérinière déménage et installe son manège quelques centaines de mètres plus loin (hôtel Terrat, 6 rue de Tournon), où il restera jusqu'en 1743, date du transfert de ses activités au manège de la Grande écurie de Versailles (mai-octobre 1743) et de son installation définitive au manège des Tuileries (1743-44).

A l'occasion du Colloque du 14 juillet 2000 à l'École Nationale d'Équitation (Saumur), l'E.N.E. et les éditions Belin ont publié le fac-simile de l'École de cavalerie de 1733, accompagné d'un volume d'études sur divers aspects de cet ouvrage fondamental.

EDITION DE 1736 ET SUBSÉQUENTES. Il s'agit ici d'une nouvelle édition de l'École de cavalerie de 1733, mais d'un format plus pratique (in-8 en deux volumes), élargie d'un "Traité du haras", et dont les planches furent redessinées par Parrocel et son équipe de graveurs. Le texte des deux éditions (1733 et 1736), quant à lui, est identique, hormis le chapitre sur le haras. L'édition de 1736 fut imprimée chez Jacques Guérin. Plusieurs rééditions de ces deux volumes verront le jour au XVIIIe siècle (1754, 1756, 1766, 1768 et 1769). Quelques unes sortiront encore des presses au XIXe siècle, mais les planches et le papier s'avèrent d'une médiocrité notoire selon Mennessier de La Lance (1919-21). Un récent regain d'intérêt pour les oeuvres classiques d'équitation a fait éclore un certain nombre d'éditions fac-simile de qualité, comme celle publiée à Paris chez Hazan en 1979, qui reproduit l'édition de 1769.

En 1740, l'année même où La Guérinière reçoit le titre d'Écuyer ordinaire du Roy, paraissent encore chez Guérin deux volumes in-12 sans nom d'auteur, comprenant plusieurs extraits de l'École de cavalerie illustré de quatre planches sur les parties du cheval et de trois plans de terre. Le nouveau titre est Élémens de cavalerie contenant les principes propres à former un connaisseur & un homme de cheval. Cet ouvrage sera réédité trois fois avant la Révolution (1741, 1754 et 1768), mais avec le nom de l'auteur dûment mentionné. Une réédition parut encore en 1791, cette fois à Bruxelles chez Le Francq.

Il faut encore mentionner une édition in-8 en un volume, parue en 1742 à La Haye chez Jean van Duren, qui consiste en extraits du livre de La Guérinière publiés sous le titre de Manuel de cavalerie où l'on enseigne d'une manière courte et facile la connoissance du cheval... (second titre: Cours de la science militaire, Tome 11).

L'année même de la mort de La Guérinière (1751) paraît chez cinq libraires (Huart et Moreau fils, Dessaint et Saillant, Durand, Delormel, ainsi que Pissot) la deuxième édition in-folio en un volume de l'École de cavalerie, dont le texte est identique à celui de l'édition de 1733, mais augmenté du "Traité du haras" de l'édition de 1736.

Il serait injuste de ne pas mentionner les traductions de l'École de cavalerie, celles-ci étant toutefois remarquablement tardives, ayant été publiées entre 1786 et la première moitié du XIXe siècle. Il faut cependant garder à l'esprit que la langue française était couramment pratiquée par les personnes instruites dans toute l'Europe, qui lisaient La Guérinière dans le texte. La première traduction espagnole, faite par D. Baltazar de Irurzun, parut à Madrid en 1786-87, suivie de la traduction allemande de J. Daniel Knöll (Marburg 1791), puis de l'italiene par le vicomte de Milleville (Venise 1794). Une traduction suédoise, faite d'après la troisième édition allemande de Knöll par un "ancien officier de cavalerie" resté anonyme parut à Christianstad (aujourd'hui Kristianstad) en 1828. Il existe aussi des traductions modernes, comme l'anglaise, publiée en 1994 à Londres et due à Tracy Boucher.


NOTES:

[1*] Ecole de cavalerie contenant un recueil ou abrégé méthodique des principes qui regardent la connaissance des chevaux..., Tome I (1729-30), Tome II (1731) (in-16).

[2*] Ecole de cavalerie contenant un recueil ou abrégé méthodique des principes qui regardent la connaissance des chevaux, augmentée d'un Traité des tournois, des joûtes, des carousels, des courses de têtes & de bagues..., I-II (1731, 2 volumes in-16).[RETOUR]

[3*] Xavier Salmon (2000), "Charles Parrocel et l'École de cavalerie". In: Patrice Franchet d'Espèrey (dir.), François Robichon de La Guérinière. Écuyer du roi et d'aujourd'hui. Colloque du 14 juillet 2000 à l'École Nationale d'Équitation, pp. 87-110. On lira également, dans le même ouvrage, la contribution d'Étienne Jollet "Charles Parrocel et les gravures de l'École de cavalerie: la passion maîtrisée", pp. 111-122. Voir aussi ici-même, le sous-dossier intitulé "Charles Parrocel et les graveurs de l' Ecole de cavalerie de Françoir Robichon de La Guérinière. [RETOUR]

[4*] Ecole de cavalerie contenant la connaissance, l'instruction, et la conservation du cheval. Avec figures en Taille-douce. Par M. de la Guerinière, Ecuyer du Roy, Paris (Jacques Collombat) 1733 (un volume in-folio). [RETOUR]

[5*] Comme exemple de la versatilité de l'imprimeur Jacques Collombat, je ne retiendrai ici que trois exemples: (1) Jean-Pierre Freillon-Poncein, La véritable manière d'apprendre à jouer en perfection du haut-bois, de la flûte et du flageolet, avec les principes de la musique pour la voix et pour toutes sortes d'instrumens, Paris 1700 [Freillon-Poncein était prévost des hautbois de la Grande Écurie de Versailles]; (2) Description du plan en relief de l'Abbaye de La Trappe, présenté au Roy par le Frère Pacome, religieux solitaire, Paris 1708 [outre le plan du monastère et de ses jardins, cet ouvrage contient une série de gravures par Pierre de Rochefort (1673-1728) sur l'histoire du monastère et la carrière d'Armand-Jean Le Bouthillier, abbé de Rancé (1626-1700), réformateur de la Trappe]; (3) Philippe Desplaces, Ephemerides des mouvements célestes pour les années 1717, jusqu'en 1725, Paris, 1716 [Desplaces (1659-1736), était astronome à l'Observatoire de Paris et publia les éphémérides de 1715 jusqu'en 1744] [RETOUR].

[6*] En 1718 paraît, entre autres, le Cours des principaux fleuves et rivières de l'Europe, rédigé, composé et imprimé par Louis XV à Paris, imprimerie du Cabinet de Sa Majesté, dirigée par J. Collombat. [RETOUR]