BIOGRAPHIE DE

FRANÇOIS ROBICHON DE LA GUÉRINIÈRE

(1688-1751)

 

© Alain Fabre

Dernière révision 7/30/03

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Le tableau synoptique qui suit fournit un aperçu chronologique de la vie de La Guérinière. Il contient de nombreux  renvois à des points qui seront développés dans les notes, et éventuelement sur d’autres pages du dossier. Pour les références bibliographiques, voir page principale.

 

 

 

EVÈNEMENTS PRINCIPAUX DE LA VIE DE

LA GUERINIERE

CONTEXTE HISTORIQUE ET ARTISTIQUE

1688

Naissance de Pierre Robichon de la Guérinière le 8 mai 1688, à Essay, au nord-est d'Alençon (Orne)

Naissance de Charles Parrocel (1688-1752), qui aura un rôle central dans l’illustration de l’oeuvre de La Guérinière. Naissance de Marivaux.

1705-1715 (?)

La Guérinière, en compagnie de son frère aîné Pierre des Brosses de La Guérinière (1687-1761) [1], entrent comme étudiants à l’Académie d’équitation de la rue des Canettes, à Paris [2]

1706: consécration de l’église des Invalides.

1713: Naissance de Pedro de Alcântara e Menezes, marquis de Marialva, gloire de l'équitation portugaise classique [3] . Naissance de Diderot.

1715

La Guérinière reçoit du Grand Ecuyer ses Lettres de provision. [4] Rachat d’un jeu de paume par La Guérinière et son associé Jean-François de Colmenil en vue de la fondation d’une Académie d’équitation (13, rue de Vaugirard). Elle sera ouverte deux ans plus tard. [5]

Mort de Louis XIV et début de la Régence du duc d’Orléans. Fondation de la banque de Law en 1916

 

1717

Ouverture de l’Académie d’équitation et succès immédiat

Visite à Paris du tsar Pierre le Grand. Voltaire écroué à la Bastille. Watteau, L'Embarquement pour Cythère. Naissance de Montfaucon de Rogles (mort en 1760)

1718

Mariage de La Guérinière avec Marguerite Martine Robin de la Forest

Achèvement du Palais d’Évreux (Palais de l’Elysée).

1719

A l’issue de la fermeture de l’Académie de la rue des Egouts, La Guérinière en rachète les équipages [6]

Apogée du système de Law.

1719-1724

Difficultés financières de La Guérinière et rupture avec Colmenil [7]

1720: faillite de la banque Law et émeutes. Achèvement de la Place Louis-Le-Grand (Place Vendôme).

1722: publication de l’édition bilingue de Johann Elias Ridinger (1698-1767) Neue Reit-Kunst in Kupfer Stichen inventiert und gezeichnet von Johann Elias Ridinger/ L’art de monter à cheval en tailles douces, inventées et dessinées par Jean Elie Ridinger (Augsburg). Jean-Philippe Rameau, Traité de l'harmonie.

1723: début du règne de Louis XV.

1724

La Guérinière prend un nouvel associé, François Nicolas Desprez

 

1725

Difficultés financières de La Guérinière parallèlement au succès croissant de l’Académie

Mariage de Louis XV avec Marie Leszczi½ska.

1729-1730

Publication en in-16 du premier tome de l’Ecole de cavalerie

1727: Première édition de la Description du manège moderne par le baron d’Eisenberg

1731

. Seconde édition augmentée en deux volumes

Les convulsionnaires du cimetière de Saint-Médard à Paris commencent à faire parler d’eux. Voltaire: Histoire de Charles XII.

1733

Première édition in-folio de l’Ecole de cavalerie

 

1733-1742 (?)

Installation de l’Académie de La Guérinière rue de Tournon [8]

1734: Voltaire, Lettres anglaises.

1736

Première édition in-8 des deux tomes de l’Ecole de cavalerie

 

1740

La Guérinièrere reçoit le titre d’Ecuyer ordinaire du Roy. Publication des Eléments de cavalerie en format in-12 (version abrégée de l’Ecole de cavalerie)

Frédéric II, roi de Prusse.

1743

Charles de Lorraine-Armagnac, Grand Ecuyer, met à la disposition de La Guérinière le Manège des Tuileries [9] . La Guérinière au manège de Versailles de mai à octobre

1744: Claude Bourgelat (1712-1779) , Le nouveau Newkastle, ou le nouveau traité de cavalerie (Lyon). Naissance de Pierre Marie, vicomte d'Abzac (mort en 1827) [10]

1748: Montesquieu: l' Esprit des Lois. Naissance de Ludwig Hünersdorf (mort en 1813) [11].

1749: Gaspard de Saunier (1663-1748) , Les vrais principes de la cavalerie (Amsterdam).

1750: Mort de J.-S. Bach.

1751

Décès de Pierre Robichon de la Guérinière le 2 juillet 1751à Paris. Seconde édition in-folio de l’Ecole de cavalerie

Publication du premier volume de l’Encyclopédie. Édit du roi portant création de l’École militaire.

1751-1758

Anne-Antoine, fils de La Guérinière, et son beau-frère François-Ignace de Croissy, succèdent à La Guérinière au Manège des Tuileries [12]

1752: Mort de Charles Parrocel.

 

 

 

 

 



[1] Pierre des Brosses de la Guérinière dirigea, à partir de 1728,  l’académie d’équitation de Caen fondée en 1719 par Poussié. La municipalité de cette ville lui refusa à maintes reprises l’aide financière qu’elle lui devait. Il semble que Pierre de Brosses y exerça ses fonctions jusqu’à 1761, date à laquelle cette académie fut reprise par son gendre, Pierre-Amable Hébert de la Pleignière, chevalier de Saint-Lazare (et/ou de Quesney, selon Monteilhet), formé au manège de Versailles et remarqué par le légendaire écuyer du manège de Versailles Louis Cazeau de Nestier (1684-1754). Le chevalier de La Pleignière, qui avait reçu son brevet du Grand Ecuyer de France Charles de Lorraine, comte de Brionne et de Charni, dut lui aussi affronter la réticence de la municipalité à l’académie de manège, située sur un terrain de la Plaine de Cormelles, aujourd'hui Cormelles-Le-Royal, au sud-est de l'agglomération caennaise. L’un des élèves de Pierre des Brosses fut le célèbre écuyer et auteur d’ouvrages d’équitation Charles Dupaty de Clam (1744-1782). Un important contingent des élèves de l’académie de Caen était formé de jeunes nobles venus d’Angleterre. Pour un historique de l'Académie d'équitation de Caen voir Anonyme-1 (1888) et Gallier (1900).

 

[2] L’académie d’équitation de la rue des Canettes fonctionnait depuis 1625. Elle était dirigée par Mesmont en 1647, puis par Desroches en 1689, auquel succéda, vers 1690, Antoine de Vendeuil, puis, à partir de septembre 1705, par son fils, François-Anne de Vendeuil. Ce dernier sera nommé en 1747 Écuyer ordinaire au manège de Versailles. En 1760, l’académie était dirigée par Jean de Jouan.

Parmi les élèves illustres de cette académie, outre les deux frères La Guérinière, on retrouve entre autres le vidame de Chartres, futur duc de Saint-Simon, aux alentours de 1675.

L’académie de la rue des Canettes était l’une des deux académies royales subsistant après le décret de 1690 signé par Louis XIV, l’autre étant celle de , à la confluence de l’actuelle place Saint-Germain-des-Prés, de la rue de Rennes et de la rue du Dragon. L’emplacement de l’académie de la rue des Canettes correspond au côté nord de la Place Saint-Sulpice. Elle prolongeait l’actuel 26 rue des Canettes et s’étendait jusqu’à la rue du Vieux-Colombier. Les bâtiments furent détruits afin de former la place Saint-Sulpice.

 

[3] n'a pas laissé d'oeuvre écrite, mais son savoir nous a été transmis par le chef d'oeuvre de l'édition portugaise du XVIIIe siècle, le livre de Manoel Carlos de Andrade (1755-1817) Luz da Liberal e Nobre Arte da Cavallaria, Lisbonne (1790). Voir à ce sujet Bragança (1997) et Loch (1986 et 1994).

 

[4] L’importance pour les écuyers d’obtenir des subsides a été soulignée par le commandant de La Roche: “Le caractère obligatoire de cette dernière science [l’équitation], était de nature à entraîner des frais d’installation considérables pour les particuliers qui créaient des Académies militaires. Ils étaient donc  obligés de s’adresser soit au roi, qui était intéressé au recrutement et à l’instruction des cadres de l’armée, soit aux municipalités, pour lesquelles l’existence d’un centre d’instruction destiné à attirer la jeune noblesse de la province, et aussi les étrangers, constituait une source d’appréciables profits. Le roi venait en aide aux Académies, soit par un prélèvement opéré au bénéfice de ‘l’écuyer académiste’ sur les impôts levés dans la ville ou dans la province, soit par une subvention attribuée à l’établissement, sur les finances de l’État” (La Roche 1929: 409). Les Lettres de provision nécessaires pour exercer la charge d’écuyer étaient délivrées par le Grand Ecuyer de France, qui, à l’époque de La Guérinière, était Charles de Lorraine-Armagnac.

 

[5] L’Académie de la rue de Vaugirard. La Guérinière et son associé Jean-François Colménil, trésorier de France à Alençon, rachètent en 1715 un jeu de paume dont l’emplacement correspond à la zone actuellement comprise entre le numéro 13 de la rue de Vaugirard (près du boulevard Saint-Michel), le numéro 3 de la rue de Médicis et la fontaine de Médicis dans le jardin du Luxembourg. La Guérinière et son associé durent aménager et faire construire de nouveaux bâtiments et écuries. L’Académie ouvrira ses portes aux élèves en 1717.

C’est probablement au sujet de cette Académie, à moins qu' il ne soit question de celle de la , où La Guérinière professa quelques années plus tard, que Jacques de Varenne, chevalier de Ravanne, “page de son Altesse le duc régent, et mousquetaire”, écrivit dans ses mémoires, publiées en 1782 à Amsterdam, les lignes qui suivent: “Nous demeurâmes plusieurs jours dans son hôtel [celui du comte de J.], et je n’en sortis qu’avec lui dans son carrosse, pour aller prendre un appartement près du Luxembourg, et à portée de l’académie de La Guérinière, où je devois m’exercer tous les jours. Il avoit déjà fait parler à ce célèbre écuyer. L’ayant envoyé chercher sur l’heure même, il me recomanda fortement à lui; et après quelques compliments qu’il me fit sur ce qu’il attendoit de mes dispositions, il nous laissa. La première chose que me proposa mon nouveau maître, fut d’aller à son académie. Nous nous y rendîmes. Quelques leçons qu’il donna d’abord dans son manège à quelques jeunes gens qui l’atendoient, me charmèrent. Nous fûmes ensuite voir l’écurie, et je ne fus pas peu surpris d’y trouver quarante à cinquante chevaux magnifiques, et qui sembloient faire l’éloge de la main qui les avoit dressés. La Guérinière nous retint à dîner. Si je me sentois déjà flatté, je ne le fus pas moins d’une compagnie de jeunes cavaliers avec qui je dînai, et dont l’air et les manières ne me laissoient rien à souhaiter que de pouvoir les imiter bientôt” (document extrait de la base de données Frantex réalisé par l’Institut National de la Langue Française et peut être consulté parmi la collection Gallica, sur le site de la Bibliothèque Nationale de France)

 

[6] Il s’agit de l’Académie Foubert, sise au carrefour Saint-Benoît/ rue des Egouts, ce qui correspond à la zone comprise actuellement entre le 50 rue de Rennes, la Place Saint-Germain-des-Prés et la rue Saint-Benoît. L’emplacement correspond à la pittoresque cour du Dragon, démolie entre 1930 et 1935. L’Académie Foubert et celle de la étaient les deux seules académies subsistant à Paris après le décret de Louis XIV du 22 décembre 1690.

Entre 1680 et 1719, l’Académie de la rue des Egouts était dirigée par François du Gard de Longpré et Bernardy, écuyers du roi. De Longpré avait auparavant dirigée l’Académie du 5 rue de Condé.

 

[7] Les difficultés financières de La Guérinière, dont une partie au moins semble être due à son collaborateur Colménil (en conjonction avec la faillite de la banque Law), son traitées en détail par Gérard Guillotel (2000a). Colménil avait même ouvert un tripot de pharaon situé dans les locaux mêmes de l'Académie, apparemment à l'insu (?) de La Guérinière. C'est un de ses tripots dont nous parle le chevalier de Ravenne en ces mots: "La porte du lieu où nous descendîmes me sembloit devoir tomber sur moi. Je ne montai un escalier fort étroit qu'en tremblant, et quand je fus entré, je crus être en enfer. Une table de Pharaon où l'on jouoit en secret, sembloit assez le représenter. Elle n'étoit presque environnée que de femmes, dont les visages enluminés sembloient autant de furies". Le chevalier venait tout juste d'arriver à Paris et suivait les cours d'équitation de La Guérinière.

 

[8] L’Académie de la rue de Tournon (actuel numéro 6). L’Hôtel Terrat, appelé également Brancas, avait été construit en 1719 à proximité du Palais du Luxembourg,  pour Terrat, marquis de Chantosme et chancelier du Régent. En 1730 ou 1733, il était occupé par l’Académie de La Guérinière.

Cet hôtel appartenait, dans les années 1960, à l’Institut Tessin (bibliothèque et musée d’art suédois), avant que cet établissement emménage à l’Hôtel de Marle, dans le quartier du Marais, en 1971. Le comte Carl-Gustav Tessin, ambassadeur de Suède à Paris de 1739 à 1742, était très lié avec de nombreux artistes de la capitale, parmi lesquel Boucher, Louis Tocqué, Lancret etc. Tessin acheta de nombreuses oeuvres de ces peintres, dessinateurs et graveurs, dont une partie appartient actuellement au Musée National de Stockholm. Louis Tocqué (1696-1772), faut-il le rappeler, fut l’un des illustrateurs de l’Ecole de cavalerie de La Guérinière.

[9]  Le Manège des Tuileries. L’ancien manège des Tuileries, celui où Antoine de Pluvinel (1555-1610) avait jadis exercé ses talents sous Henri III et Henri IV, était situé le long du Jardin des Tuileries à la hauteur de l’église Saint-Roch. Il apparaît clairement sur le plan de Mathieu Mérian (1615). Au début du XVIIIe siècle, cet ancien manège est détruit et l’architecte Robert de Cotte est chargé d’en reconstruire un nouveau, lequel doit pourvoir à l’éducation équestre du jeune Louis XV avant sa majorité sous la direction de l’écuyer Gouyon de Legourman. Après le retour du roi à Versailles, en 1722, le manège des Tuileries était à l’abandon. Le nouveau manège, toujours le long de l’actuelle rue de Rivoli, à la hauteur de la place Vendôme,  est prolongé par une carrière qui s’étend  jusqu’à la hauteur du Palais des Tuileries. La longueur totale de l’ensemble manège et carrière atteignait donc environ 450 mètres. Le nouveau manège est indiqué clairement sur le plan de Turgot (1739), contemporain de La Guérinière. L'emplacement du manège et des écuries royales apparaît aussi clairement sur le . On peut voir actuellement deux plaques commémoratives: l’une, sur un pilier du 232 rue de Rivoli, est dédiée à La Guérinière; l’autre, à la hauteur du 230 de la même rue, marque le site du Manège et de son rôle pendant la Révolution française. Le manège fut détruit en 1802, lors du percement de la rue de Rivoli. Pour une étude architecturale et historique du Manège des Tuileries, voir l’article de Pascal Liévaux (2000).

 

[10] Pierre Marie, vicomte d'Abzac (1744-1827) fut l'un des écuyers les plus fameux de l'école de Versailles. Bien qu'il n'ait pas laissé d'oeuvre écrite, son art équestre a été transmise par certains de ses élèves, comme le comte d'Aure (1799-1863).Voir la monographie que Guillotel a consacrée à Antoine d'Aure (Guillotel 1999).

 

[11] Ludwig Hünersdorf (1748-1813), Grand Écuyer du prince électeur Guillaume Ier et auteur de l'ouvrage Anleitung zu der natürlichsten und leichtesten Art Pferde abzurichten (1791).

 

[12] Pour la succession de La Guérinière au Manège des Tuileries voir les articles de Guillotel (2000a) et Liévaux (2000).